Poèsie migrante

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Poésie migrante

Par un après midi d’hiver brumeux, errant dans les pièces sombres de ma maison, mon esprit vagabonda et m’attira vers la bibliothèque. Mon regard se fit alors impressionniste, découvrant par touches successives ces objets tant de fois compulsés parfois lentement parfois avec frénésie. Son tableau composé, il s’arrêta, mettant fin à l’agitation intérieure qui m’avait habité l’espace de quelques minutes, sursaut d’énergie dans cette saison cotonneuse.
Un espace-temps plus tard je me trouvais dans mon fauteuil de lecture, les jambes en tailleur, mon châle en laine beige sur les épaules, le mug de café à portée de main.
Mes doigts valsent, les pages égrènent des mots et des sens. Un rythme s’installe, et je m’immerge dans la poésie lyrique de la Grèce ancienne puis traversant les terres et les mers, je savoure les diccions des troubadours pour finalement, migrer vers le nord des temps premiers et les voix irlandaises ensorcelantes.

De ce « Trésor de la poésie universelle », je vous livre ici quelques fragments.

Le songe d’une ombre
Pindare (Grèce, Env. 518-438 av. J.C)

… Sur les quatre tu t’es jeté,
Sans remords, et d’en haut tombé !
Ils n’ont pas connu comme toi
La rentrée du stade et de la joie.
Point de rire, point de douceur
Près de leur mère à leur retour
Mais tout au long des carrefours,
Loin des yeux de leurs ennemis,
Ils sont cachés, le cœur meurtri.

Oui, d’une victoire nouvelle,
On s’envole, la joie au cœur.
L’espérance a donné des ailes,
On désire bien plus que l’or.
La gloire des mortels en un jour a grandi,
Mais un jour suffit au contraire
Pour qu’elle soit jetée à terre,
Frappée par le destin qui n’a jamais fléchi.

Être borné par un seul jour,
Qui est-il ? Et qui n’est-il pas ?
L’homme est le songe qui fait l’ombre…
Mais quand un rayon dieudonné
Est venu sur lui et le touche,
Une lumière claire en naît,
Et soudain la vie lui est douce.

 

Énigme
Guillaume de Poitiers ( Pays d’oc. 1071-1127)

Pour ma selle, j’ai deux chevaux bons et beaux,
Ils sont forts et de prix, dressés pour les armes :
Comment les garder tous deux puisque l’un ne souffre l’autre ?

Si je pouvais les dompter à mon vouloir,
Je n’aurais point besoin d’un autre équipage,
Car meilleure monte aurais qu’aucun homme en ce bas monde !

L’un est le plus vif des chevaux de montagne,
Mais il renâcle et se défend longuement.
Pou accepter qu’on l’étrille, il est trop fier et sauvage.

L’autre naquit du côté de Confolens,
Et jamais on ne vit de plus beaux, je pense,
et point ne le céderais, pour or ni pour argent.

J’en fis cadeau quand il n’était que poulain,
Mais avec son nouveau maître je convins
Que s’il le tenait un an, moi je le tiendrais bien cent.

Chevaliers, donnez-moi conseil dans mon doute :
Car jamais choix ne fut plus redoutable :
Dites-moi qui garder : mon Agnès ou mon Arsen ?

 

Le mystère d’Ameirgen
(Irlande, IIIe siècle)
Cité dans le Lehor Gabâla ou Livre des Conquêtes qui raconte la préhistoire mythique de l’Irlande

Je suis le vent qui souffle sur la mer,
Je suis vague de la mer,
Je suis mugissement de la mer,
Je suis le bœuf aux sept combats,
Je suis oiseau de proie sur la falaise,
Je suis rayon de soleil,
Je suis navigateur intelligent,
Je suis sanglier cruel,
Je suis lac dans la plaine,
Je suis parole de science,
Je suis une épée aiguë menaçant une armée,
je suis le dieu qui donne le feu à la tête,
Je suis celui qui répand la lumière entre les montagnes,
Je suis celui qui annonce les âges de la lune,
Je suis celui qui enseigne où se couche le soleil.

 

Alexa.S

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